Je viens de tomber sur cet ancien sujet, et comme je n’ai vu aucune réponse, je tiens vivement à déterrer ce sujet pour y apporter un semblant de réponse.
Comme tu le suggères, oublions le débat tellement écrit des micro-stock car au final, ce n’est pas eux qui ont tué le métier, les micro-stocks ont naturellement émergé d’un autre problème que je désire aborder en guise de réponse.
Je vais être un peu direct, mais ce qui a tant nui à ce métier, c’est que des amateurs (je ne parle évidemment pas en terme péjoratif, mais comme un antonyme du mot « professionnel ») ont un jour décidé à vendre leurs photos (déjà c’est bizarre) et particulièrement à des tarifs aberrant et scandaleusement bas !
D’ailleurs petit rappel :
• Amateur : « Personne qui s’adonne à une activité artistique, sportive, etc., pour son plaisir et sans en faire profession, par opposition au professionnel »
• Professionnel : « Qui exerce régulièrement une profession, un métier, par opposition à amateur »
Depuis l’avènement du numérique, de l’internet et de la société du surmoi égotique poussé par un marketing malsain, on a l’impression que tout le monde tombe dans les pièges du capitalisme et du besoin d’exister aux yeux des autres.
On oublie trop souvent que la photographie est avant tout une passion, un divertissement et un moyen d’expression (qui peut évidemment devenir un moyen de communication)... Vendre ferait de toi un meilleur photographe ?
Mieux, si tu décides de passer à la vitesse supérieure, penses-tu que devenir professionnel ne ruinera pas totalement ta passion ?
Car si tu deviens professionnel, ce n’est plus une passion, mais un métier et que tu devras répondre à toutes ses contraintes qui par ailleurs en font l’un des métiers les plus difficiles à exercer.
Oui, c’est sur, du point de vue amateur, ça semble super simple... Tu as déjà payé ton matos (qui de toute façon ne suffira pas et LOINS de là) avec ton budget loisir (donc pas besoin de le rentabiliser), tu pense faire de jolies photos, car ton entourage ou d’autres amateurs te félicite (par simple sympathie ou en attendant peut-être la même chose en retour) et tu ne fais que les photos qui te plaisent et qui t’inspire sur le moment.
Mais malheureusement, tout ceci ne correspond pas le moins du monde à la réalité du milieu et du marché.
Pour te faire une idée, je te donne quelques points clés :
• Tu vas devoir t’investir à 100 %, semaine, weekend, et même le soir, sans le moindre emploi du temps, avec parfois, les temps morts de l’angoisse quand tu ne trouves pas de client (ou qu’on est en période de crise), puis parfois, une avalanche de clients qui tombent tous au même moment.
• En tant que travailleur indépendant, tu perds tous tes avantages sociaux (chômage inexistant, maladie minimale, retraite divisée par deux), et pourtant tu vas cotiser, sur chaque facture ou note d’auteur que tu feras, c’est au final environ 40 % que tu reverses directement...
• deuxième « taxe », tu devras mettre à jour ton matériel régulièrement et le matériel de photographe fait parti des plus chères : Appareil photo, objectif, éclairage, accessoire, informatique, stockage, logiciel, matériel de com, services et j’en passe (au final, il est dit qu’il ne reste que 30 % de revenus à partir du chiffre d’affaires en photographie, 15 % en retouche).
• Pour supporter les deux précédents points, ainsi que ta vie courante et tes loisirs (car dès que tu seras sur ton temps libre, tu voudras faire TOUT sauf de la photographie), tu devras bosser comme un âne pour faire un chiffre annuel suffisant, en prenant des commandes qui ne te correspondent pas, tout en côtoyant parfois des gens abjects (ce n’est heureusement pas le cas tout le temps !)
• Bien sûr, bienvenue dans le monde de la bureaucratie, se lancer en indépendant, c’est découvrir les joies des formulaires à gogo et du manque de compétence flagrant de l’administration (et les pauvres, je les plains vu le nombre d’aberrations à ce sujet, tout est fait pour qu’il n’y ait que des salariés).
• Tu n’es pas seul sur ce marché qui est sursaturé et plein de gens talentueux, penses-tu avoir le niveau, en cadrage, composition, lumière, écriture, technique, retouche, gestion de patrimoine photo ? sais-tu répondre à une commande ? Faire de la compta ? fais-tu de la veille technologique, artistique ? As-tu de très bons rapports sociaux ? Présentes-tu bien ? Sais-tu ce que tu vaux ? Sais-tu te vendre ? Sais-tu te remettre en question ?
• Es-tu prêt a assumer la pression que ce milieu te fera subir : « Les je veux les photos pour demain matin », alors que justement ce soir, tu avais un diner avec quelqu’un que tu n’as pas vu depuis longtemps, et qu’après t’être couché frustré à pas d’heure pour livrer dans les temps, tu apprendras que le client est parti le soir même en vacances et qu’en fait, ils n’utiliseront pas les photos avant 2 mois ? Et que par la même, ils ne te paieront pas avant 6 mois et qu’il faudra les relancer toutes les semaines...
D’ailleurs, dernière question pour en finir avec mon introduction (lol) avant de répondre précisément à ta question, as tu déjà confronté un book à un jury de professionnel ?
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1) Tarif
Tout d’abord, sache qu’il est impossible de répondre précisément à ta question et que malgré que des barèmes existes.
En tout cas, pour chaque « prestation », il faut compter un prix à la journée, entre 700 et 1200 €, qu’il ne faut surtout pas oublier de compter les jours de post-prod et de faire des remboursements de frais (déplacement, bouffe, hébergement) ou de l’englober dans le tarif (ce qui passe mieux).
À ceci, il faut ajouter une cession de droit qui est variable selon l’usage de la photo (se définit selon le support, son nombre, sa destination et sa période).
La cession de droit étant particulièrement difficile à chiffrer, l’UPP propose un barème actualisé chaque année, que l’on reçoit gratuitement en adhérant à l’association (250 €), ou en achat unique (50 €), cependant, je n’ai jamais vu un photographe s’en servir, mais peux servir de base négociable.
PS : Quand tu parles de 10-30 € la photo, je rigole...
2) À qui vendre
En général, le client vient à toi, en prenant connaissance de ton travail photographique (web, d’autre client, etc.)
Sinon, tu peux présenter ton book à toutes personnes susceptibles d’acheter de l’image, c’est tellement vaste que je ne vais pas décrire.
Il va sans dire que ce book devra être mis à jour régulièrement et donc représenter plusieurs fois.
3) Le statut
Je l’ai soulevé plus haut, bienvenue dans le monde de la bureaucratie et des galères !
On est justement dans une période super relou, car il devient de plus en plus difficile de se déclarer comme auteur photographe ou de le prouver.
Mais en gros, tu as deux choix : Auteur Photographe ou Artisan Photographe.
Je ne vais pas te faire un cours, c’est bien trop compliqué, je t’encourage à acheter un livre qui sera ta meilleure source d’information :
Profession Photographe Indépendant — Éric Delamarre :
http://www.edelamarre.com/FORMATION/page05.htm#00
Une chose est sûre, c’est que tu n’as pas compris l’histoire de l’AGESSA, à partir du moment où tu es auteur, tu cotises, c’est juste qu’il y a de grosses subtilités entre le précompte et l’affiliation, en précompte, c’est le diffuseur qui prélève du montant de tes droits d’auteur pour reverser les cotisations à l’Agessa (qui est déduit de ta note d’auteur). Si tu dépasses le seuil de précompte (8577 € en 2015), tu passes affilié et tu obtiens enfin des droits sociaux. Il existe aussi des histoires de dispense de précompte qui s’applique au bout de deux ans.
Tu peux normalement rester salarié tout en ayant le statut d'auteur en précompte (avec déclaration P0i en tant qu'auteur auprès de l'URSAFF en régime Micro BNC avec franchise de TVA).
Il faudra conserver les attestations de précompte signé de chaque client (qu'il faudra souvent former à ce sujet).
Ce qui n'empêche pas de pratiquer les tarifs du marché pour éviter qu'il ne s'effondre définitivement.
Mais quoi qu’il arrive, il faut impérativement une formation ou un comptable/juriste si tu es allergique à ces choses-là.
4) Protections contre la copie
Si tu ne veux pas te faire piquer tes images, ne les diffuse pas, c’est aussi simple que ça.
En effet, il n’existe aucune méthode efficace contre le vol d’image.
Évidemment, si tu mets un gros filigrane sur ton image, personne ne l’utilisera (encore que...), mais surtout personne n’ira la regarder ce qui n’est pas très bon pour se faire connaitre et attirer les clients.
La seule chose qui rassure, c’est que le droit d’auteur français est excellent et en cas de vol d’image, il est très facile de régler le litige (si c’est en France !).
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Après cet énorme plaquard, tu dois te dire : "mais quel connard de rabat-joie celui-là, je veux juste vendre trois photos par ans".
Je te répondrais simplement que je défends le métier que j’ai choisi (et non mes propres plates bandes) et qui est malheureusement très mal en point.
Pour te l’expliquer très simplement, je résumerais ainsi : il ne viendrait à l’idée de personne de piquer le taf d’un boulanger par exemple en vendant sous le manteau quelques baguettes moisies à 0,007 € pour espérer se payer une machine à pain... Ou de faire payer chaque verre consommé par tes potes quand tu fais des soirées chez toi
... c’est d’une absurdité absolue et ça s’applique évidemment à la photographie, car contrairement à ce que disait ma mère, la photographie, c’est un vrai métier.